Lyrics et photos Alexandra Quarini
Pour la première fois depuis son agression, Théo participait à un rassemblement en son nom samedi 28 Octobre à Bobigny. Réunis à proximité du tribunal de Grande instance, 300 personnes sont venues écouter ses paroles et celles de ses proches. La foule forme un cercle autour d’un petit bloc de béton qui sert d’estrade à Théo, sa sœur, et son frère. Les moyens sont rudimentaires. Ils attendent une sono qui doit leur permettre de faire porter leurs voix. A cause d’un problème technique, c’est à l’aide d’un mégaphone que le jeune garçon prend la parole : « J’ai déclaré que je pardonnais mais cela ne veut pas dire que vous devez pardonner ». « Ma famille par exemple ne pardonne pas à la police, tout le monde attends la justice de pied ferme ».
Jeudi 26 octobre, c’est le policier mis en examen pour le viol présumé du jeune garçon qui a été entendu par le tribunal. Mais Mickaël, le frère ainé de Théo insiste. « Un policier est mis en accusation mais ils étaient quatre en tout. Ceux qui ont assisté à la scène sans rien dire sont aussi coupables »… Car la parole, c’est aussi celle que certains ne prennent pas. Mickaël s’adresse aux forces de l’ordre qui surveillent le rassemblement du haut d’un pont « Il y a des bons policiers bien sur, mais parlez alors ! Quand vous vous taisez, votre silence vous rend complices ! » Ces mots résonnent tandis qu’il reprend « aucun de vous n’a dénoncé l’agression de mon frère, sauf un, du commissariat d’Aulnay, on ne l’a plus entendu depuis, on espère qu’il va bien ». Un rire amer éclate. « On nous demande de ne pas faire d’amalgame mais vous d’abord commencez par ne pas en faire » «Il n’y a pas que des voyous dans les quartiers (…) être noir en France n’est pas un crime » Car la parole, c’est aussi celle qu’on discrédite. Mickaël revient sur les accusations de détournement dont sa famille a été victime. Pour lui c’est clair : « si la scène n’avait pas été filmée les policiers n’auraient pas été inquiétés ». Il est reconnaissant envers ceux qui sont restés, malgré les injonctions à quitter le lieu de l’interpellation, pour filmer « Sans eux mon frère ne serait plus en vie ». Car la parole, c’est aussi pour ceux qui ne l’ont plus que Théo tient à la prendre.
Le 27 octobre, cela faisait 12 ans que Zyed et Bouna perdaient la vie. L’année précédente, c’était Adama Traoré. Amal Bentoussi du collectif « Urgence notre police assassine » énumère les noms des disparus et rappelle à chacun son droit à filmer les forces de l’ordre. « S’ils tentent de vous en empêcher, dites-leur que vous faites votre devoir de citoyen ». Pour Eléonore, la grande sœur de Théo, les mots ce sont aussi parfois ceux qui blessent, ceux qu’elles à pu lire sur les réseaux sociaux. Elle y a tout de même aussi trouvé du soutien. C’est également par ce biais que le rassemblement a pu être organisé. Pour elle, son frère a avant toute chose libéré une parole. Des langues se délient depuis. Alors même si le rassemblement à réuni moins de personnes que lors du précédent au mois de février, elle clarifie « Ce n’est pas beaucoup de monde que nous voulons. C’est la justice ». « On sait que ce sera long car c’est avec la police on nous avait prévenus. Mais on attend un jugement exemplaire pour que cela ne recommence plus ».