Lyrics Ayoub Bel-Hyad – Photo Assia El Kasmi 

Des agents de nettoyage, dans la précarité, souvent des immigrés. La plupart n’ont jamais fait grève de leur vie. Et pourtant en novembre 2017 à l’arrivée d’H. Reinier, une nouvelle entreprise sous-traitant le nettoyage des gares de la SNCF pour l’entreprise ONET : levée de boucliers. Les salariés ont peur pour leurs droits, déjà dérisoires… 45 jours de fronde qui mèneront à un succès inespéré. Un an après, quelles leçons à tirer de cette réussite ? Interview de Fernande Bagou, déléguée syndicale CFDT qui a participé à la grève.

A la fin de la grève, la direction d’Onet vous avait promis un certain nombre de choses : revalorisation des primes, suspensions de sanctions, revalorisation du panier-repas de 1,90€ à 4€ … A-t-elle respecté ses engagements ?

Oui. La prime, l’abandon des sanctions et l’augmentation des paniers ont été respecté. Mais par exemple la requalification des CDD en CDI n’a jamais été respectée. On devait aussi recevoir nos avenants (modification du contrat de travail prenant en compte la mise à jour des acquis sociaux, NDLR) une semaine après la signature de l’accord de fin de grève… Ils viennent tout juste d’arriver. On a dû faire d’autres réunions pour les demander. On verra si tout est conforme.

Est-ce qu’il y a eu des répercussions de la part d’ONET sur les salariés grévistes après la grève ?

Apparemment il n’y a pas eu de répercussions.

Comment on réussit à faire plier une grande entreprise comme la SNCF ou Onet ?

On était organisés parce qu’on ne voulait pas perdre nos droits. Quand ils ont voulu casser nos droits, on a dit non. C’est l’union qui nous a permis de réussir. Au cours de cette grève, il y avait des choses sur lesquelles on n’était pas d’accord, mais le seul but c’était de gagner. Au cours des AG tout le monde avait le droit de parler puis au final on avait une seule voix.

  

C’était la première grève pour beaucoup de salariés. Comment l’ont-ils vécu ?

C’était la première pour moi aussi. Au début on a eu peur. Au bout d’une semaine de grève on voyait que rien n’était fait, aucun courrier pour demander des négociations… Mais on se disait : c’est pour une cause bien précise, il faut qu’on aille jusqu’au bout. On était unis. Nous les salariés d’Onet, on n’est pas regroupés dans une seule gare, je ne pouvais pas connaître les gens de la ligne D, de la ligne K… Grâce à la grève, on est devenu une famille. Quand quelqu’un a un problème, tout le monde est au courant. On a tissé des liens.

Avant la grève, personne ne se connaissait. Maintenant vous vous connaissez tous … en quoi cela facilite les choses pour les luttes à venir ?

Aujourd’hui cette grève nous a unis, aujourd’hui nous formons une famille. Même les grévistes qui s’étaient arrêtés au cours de la grève nous ont rejoints après, se sont excusés… Maintenant on se parle chaque semaine, si quelqu’un a un problème, tout de suite le message passe et on voit ce qu’on peut faire. (…) En ce qui concerne la charge de travail, quand un collègue a de la pression, on peut discuter avec l’entreprise d’une même voix. On est uni, c’est notre force.

Est-ce que votre mobilisation a inspiré d’autres personnes dans d’autres entreprises ? Vous êtes devenu une sorte de modèle ?

Ah oui, oui ça on a eu beaucoup d’appels, on est allé dans beaucoup de conflits. Les gens appelaient les salariés d’Onet pour partager leur expérience. On a eu beaucoup d’interviews, beaucoup de succès. Jusqu’à aujourd’hui les gens continuent de nous appeler pour demander comment s’organiser, quel est le socle de notre force, comment gérer les négociations…

Quelles organisations vous avez aidé ?

Nous étions aux AG des grévistes de la SNCF dans le courant de l’année 2018, pour les encourager. Récemment il y a aussi des salariés de l’hôtel Hyatt en grève. Nous sommes là-bas aussi, on s’organise avec d’autres collègues pour leur rendre visite.

Depuis la grève, vous avez eu d’autres moments d’organisation pour faire valoir vos droits?

Oui. On a eu des soucis de fiches de paye avec le versement de nos primes de vacances et nos congés payés. (…) On a rencontré l’entreprise pour en parler. (…) On leur a dit : si vous n’acceptez pas nos propositions, on va encore aller en grève. Là, ils ont cédé.

Fernande Bagou, déléguée syndicale CFDT – ONET