Lyrics Samia Chiki – Photos NnoMan
Le 7 septembre dans un communiqué, le ministère de l’enseignement supérieur annonçait un financement de 180 millions d’euros pour la création de places, 10 000 pour la rentrée 2020 (5650 déjà ouvert) et 20 000 pour la rentrée 2021.
Une des revendications des étudiants portant sur la précarisation, semble absente de ce plan de relance de plus de 6,5 milliards d’euros.
Le parcours du combattant des étudiants ne fait que recommencer.
Des créations de places insuffisantes
Victor Mendez, étudiant et militant à l’UNEF, se mobilise pour les étudiants depuis près de deux ans et ces dernières mesures semblent être très loin de leurs attentes « Cette année nous avons recensés plus de « sans-facs » que jamais, nous sommes en ce moment à 500 dossiers recensés uniquement à Nanterre. Alors que la rentrée des cours commence le 21 septembre. Et cela est dû au fait que malgré 40 000 bacheliers de plus cette année, la ministre a annoncé une ouverture de … 30 000 places d’ici 2022. Ce qui est plus qu’insuffisant ne serait-ce que pour inscrire les néo-bacheliers. »
« Le gouvernement a trouvé 100 milliards pour les grandes entreprises pour « préserver l’emploi » alors que celles-ci licencient en masse et que l’enseignement supérieur est lui sous-financé depuis des années. Plutôt que d’ouvrir des places, le gouvernement fait le choix à chaque rentrée de virer des bancs de la fac la jeunesse des classes populaires avec Parcoursup ».
Il y a un an, nous avions rencontré Victor afin de faire le point sur la situation des sans-facs à l’échelle nationale : 123 712 étudiants n’avaient toujours pas eu d’affectation en septembre 2019, qu’en est-il pour cette rentrée universitaire 2020 ?
« Comme chaque année depuis la rentrée en 2018, c’est un bilan révoltant avec des milliers de jeunes qui se retrouvent sans affectation, et donc en attente jusqu’au mois de septembre, qui se découragent et quittent la plateforme. On voit bien, quand on recense les cas de sans-facs que les premiers touchés sont bien souvent les lycéens de quartiers populaires, les enfants d’immigrés, d’ouvriers et de salariés. A ce jour, nous n’avons pas connaissance d’un bilan chiffré à l’échelle nationale de Parcoursup. Nous ne pouvons que vous témoigner du travail de recensement fait à l’échelle de notre université (Nanterre) et qui représente une infime minorité de cas qui, par chance, rentre en contact avec une organisation étudiante. »
Une sélection défaillante
La plateforme Web «Parcoursup », recueillant les vœux des bacheliers, en est à la phase dite « complémentaire » jusqu’au 24 septembre afin de permettre aux étudiants de formuler de nouveaux vœux pour ceux qui n’ont toujours pas eu de retour favorable ou sont en liste d’attente sur leur sélection. Concernant cette dernière, Victor rappelle que la sélection se généralise à toutes les étapes de la scolarité « lors de leur intervention au Congrès de l’Université, les « sans-fac » ont souligné la nécessité de rétablir les rattrapages, la compensation et d’autres dispositifs, supprimés à Nanterre, qui permettent aux étudiants dans leur majorité et particulièrement aux étudiants salariés de réussir leur année dans de bonnes conditions. Bien conscients que ce sont aujourd’hui l’ensemble des services publics qui pâtissent des orientations budgétaires du gouvernement et que les jeunes sont largement concernés par les licenciements massifs.
Les « sans-fac » et leurs soutiens mobilisés dès le début du mois poursuivent leurs actions et lancent des appels à faire grève et à manifester des syndicats professionnels et étudiants le 17 septembre « Nous pensons qu’on peut obtenir gain de cause. Le mouvement de décembre 2018 contre la hausse des frais d’inscription en est la démonstration. Cette grève étudiante d’ampleur a permis d’obtenir la non-application de la mesure dans plus de 70 universités, c’est énorme! Nous c’est ça que nous voulons construire en cette rentrée : une grève étudiante qui se fasse le portevoix des préoccupations de toute la jeunesse et qui fasse le lien avec toutes les luttes ».
Précarisation étudiante ignorée
La précarisation déjà importante des étudiants s’est accentuée avec la crise sanitaire, privant de nombreux étudiants de leur job (plus de 20% des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, et après le logement, la préoccupation alimentaire est la deuxième inquiétude des étudiants). Pourtant, aucune mesure n’apparait dans le plan de relance annoncé par la Ministre Vidal, Victor s’emporte : « Ils n’en n’ont rien à faire ! Ils veulent s’assurer que les actionnaires et milliardaires ne subissent pas les conséquences de cette crise. Et donc, ils prennent l’argent des services publics, cet argent qui devrait aider les jeunes, pour enrichir des entreprises qui font du profit. Sanofi par exemple, qui s’est enrichi avec la vente de médicaments pendant le confinement, bénéficiera du plan de relance !
Pourquoi ne pas prendre ce pactole pour mettre en place un revenu pérenne pour tous les étudiants et qui permettrait de répondre à leurs besoins sans avoir à se salarier. Nous le disons clairement, les jeunes n’ont pas à payer la crise économique. Nous n’en avons pas la responsabilité. Alors on va se battre, contre cette précarisation, pour des places à la fac et l’augmentation des budgets des Universités. »
Une mobilisation étudiante acharnée
La détermination reste forte chez les étudiants mobilisés afin de faire valoir leurs droits. Au-delà des blocages et des grèves ils accompagnent au quotidien les étudiants dans leurs démarches administratives, les recours (SOS Inscription), et tentent de maintenir le lien avec le ministère de l’éducation nationale. La communication semble être difficile entre les syndicats et le cabinet « à ma connaissance, l’attitude du ministère ces dernières années était surtout celle du mépris des organisations du mouvement étudiant, à part la FAGE. Pour tout dire, le « Plan jeunes » annoncé avant le Plan de relance, n’a jamais été discuté avec les organisations étudiantes, dont l’UNEF. En réalité, nous n’avons pas beaucoup de choses à discuter avec eux, ils connaissent nos positions. Quand ils nous reçoivent c’est plus pour faire un effet de communication et montrer leur pseudo-concertation » déclare l’étudiant militant. La ministre Vidal a déclaré au Figaro que « l’immense majorité des bacheliers a une place », pour Victor cela est « tout simplement ignoble de tenir ses propos, alors que tous les jours on voit des néo-bacheliers qui sont encore en attente ou refusés de partout, qui n’ont de place nulle part ou dans des filières qu’ils et elles ne veulent pas ou des facs trop éloignées de chez eux ».
L’inquiétude est palpable également auprès des parents qui, après avoir vu tant de sacrifices et de dur labeur de la part de leurs enfants se sentent impuissants alors qu’en ce début d’année universitaire, la rentrée semble compromise.
Hanane attendait l’obtention du baccalauréat de son enfant avec impatience, obtenu avec mention, il ne restait que cette étape de l’affectation. Cela semblait être un détail, jusqu’au jour où ils découvrent sur la plateforme que tous les vœux sélectionnés par son fils sont en attente, hormis des universités très éloignées :
Après trois mois d’attentes, il n’a rien eu en région parisienne (8 voeux en attente). On a fini par se résoudre à ce qu’il parte loin. Après une multitude de calculs, on a fini par cliquer sur le PACES Brest. Cela représentera, une charge financière importante mais nous n’avons pas le choix, ce qui importe est qu’il fasse ce qu’il aime. La distance géographique va être difficile pour tous les membres de la famille, notamment pour sa grand-mère de 83 ans à qui il tenait compagnie depuis le décès de son grand-père. Nous n’étions pas préparés à cela.
Les cours ont commencé, il est en distanciel pour le moment, l’université ne leur a pas communiqué de date de début des cours en présentiel, nous avançons vers l’inconnu ».
Oscar, également papa d’un néo-bachelier, ne décolère pas « on marche sur la tête, Bac avec mention et aucune place, vive la France ! »