Lyrics Peggy Derder – Photo Nnoman

On ne va pas se mentir, Nadir est un membre de la famille Fumigène. Soutien de la première heure, il a œuvré pour la relance du magazine et a été rédacteur en chef du numéro consacré aux violences policières. Aujourd’hui, il publie son quatrième livre : « Nos rêves de pauvres » (éditions JC Lattès). Ce n’est pas seulement au nom de nos chemins communs qu’on en parle. C’est surtout et avant tout parce que c’est un magnifique récit. L’histoire de nos parcours de Français des quartiers populaires. Et un splendide hommage à nos parents. Les parents de Nadir, Mohand et Messaouda Dendoune, ornent la couverture de l’ouvrage de leurs portraits touchants et dignes. Leur présence, pudique et forte, traverse chacune des chroniques. « Nos parents sont malheureux en France, ils l’ont toujours été. La tristesse se lit dans leurs yeux et on pourrait compter sur leur visage une ride pour chaque sacrifice fait pour leur progéniture. Ils ont appris à vivre avec la nostalgie de leur terre natale, de leurs familles et amis restés au pays. » (page 110) Cette émotion qui nous gagne souvent à la lecture laisse aussi la place aux éclats de rire lorsque Nadir croque les moments de vie du clan Dendoune à la cité Maurice Thorez à l’Île-Saint-Denis : les épluchures de légumes emballées dans le journal L’Humanité, le café du matin, la famille rassemblée devant les films de Pierre Richard, qui « ressemblait physiquement à un Kabyle, avec ses beaux cheveux blonds et bouclés comme une biquette, bien assortis à ses yeux bleus. On arrivait sans aucun mal à s’identifier à lui. Comme nous, il se trouvait à la marge de la société, ne faisait pas partie du décor » (page 27).

Cette histoire particulière rejoint celle des habitants des quartiers populaires et offre un regard sans concession sur la société française : « Souvent, je me demande si vous arriverez un jour à nous aimer. Pour se rassurer, on se répète qu’on finira bien par s’entendre, que la ‘France black, blanc, beur’ triomphera, que la France métissée c’est l’avenir. Pourtant j’ai le sentiment que c’est un mensonge. Et maintenant que les attentats se multiplient, notre cohésion de façade est en train d’éclater en morceaux. » (page 127).

Alors quoi ? Quoi qu’il arrive, nos trajectoires, les histoires de nos parents, notre culture, nos rêves de pauvres existent et nous font vivre. Sous la plume de Nadir, ils nourrissent une superbe « littérature de rue ».