Lyrics et photo : Setha Sy

Centres sociaux, maisons de quartiers, foyers d’hébergement, … autant de lieux du vivre-ensemble mis en péril par le confinement généralisé de la population. Les professionnels qui y travaillent s’engagent aujourd’hui en faveur des personnes en situation de vulnérabilité. Formés aux pratiques de l’éducation populaire, ces animateurs socio-culturels suivent des parcours diplômant qui les sensibilisent aux thématiques sociétales actuelles.

Le GRETA M2S, organisme de formation des adultes de l’éducation nationale, a tenu à associer Fumigène à ses équipes. Sous la coordination de Yazid Sayoud, responsable de formation et militant, notre magazine participe donc depuis plusieurs mois aux parcours de ces stagiaires. 

Autour d’un projet collectif d’envergure, nous avons mené des ateliers d’éducation populaire aux médias. Objectif : Partager nos expériences et compétences avec ces futur.e.s responsables de structures pour les aider à faire face aux enjeux de l’information et accompagner les publics qu’ils côtoient. 

Aujourd’hui, Fumigène donne la parole à Setha. Il interroge ses origines qui s’entremêlent à celles de son engagement dans le travail social.

Quand je signe par mon nom de famille, on a tendance à m’associer à une origine noire africaine ou à Omar Sy. Malheureusement nos points communs s’arrêtent à nos noms de famille et aux parcours de migration de nos pères. 

Si je devais raconter toute son histoire, je n’aurais pas assez de ces quelques pages. Je commencerais même par la fin. Il me remercie de l’avoir écouté et d’écrire quelques lignes de son histoire. La question qui lui revient le plus en tête ? « Pourquoi suis-je vivant? » me confie-t-il. Pourquoi lui ? Lui et ses cinq camarades, seuls rescapés d’une compagnie de plus de 400 hommes. 

Face à nous, ses enfants, il a toujours été très secret. Il nous en parle moins difficilement maintenant que nous sommes adultes… Aujourd’hui, je peux enfin dire que je connais mon histoire. Une interview aux allures de discussion mais un exercice qui fera quand même mouiller les yeux de mon père. 

Pourquoi ces secrets? Pourquoi cette discrétion ? Peut-être ses traumas de soldat qui l’incitent même à mettre un terme rapidement à notre échange. 

Mon père est-il un héros? Pour avoir réussi à s’échapper d’un camp de travaux forcés ? Ou est-il seulement né sous une bonne étoile ? 

La chance qu’il a eu dans ce camp tient-elle de l’amitié? Le hasard a fait que l’ami avec qui il a été capturé avait des membres de sa famille gardien du camp. Le message codé pour fuir était « regardez toujours au sud ». Je n’en saurai pas plus sur l’issue de ce message ni comment ils sont parvenus à s’enfuir. Là encore, du secret.

La suite ? Dix jours dans la forêt, perdu au milieu des cris d’animaux, sans rien manger. Quand soudain il arrive sur une haute montagne limite thaï/khmer et cette dernière image qui les marquera tous les deux à tout jamais « Voir le pays de si haut ». Il m’explique avoir pleuré en haut de cette montagne : tristesse, déchirement puisqu’ils quittent leur patrie. Ils le savent, ils abandonnent leur famille, peut être condamnée à mort.

C’est comme si ses rencontres avaient orienté toute sa vie. Sur la route de l’exil, il a évité la prison grâce à une amitié commune avec ce chef de police thaïlandais qui devait au départ l’enfermer pour motif “d’avoir traversé la frontière en toute illégalité.” 

En France, la rencontre avec des personnes de la croix rouge et du foyer d’hébergement qui ont tout fait pour aider mes parents en les orientant rapidement vers un travail et en appartement.

Les parents de mon père le croyaient mort et ont organisé une cérémonie de décès. En 1992 quand il retourna au Cambodge, il croisa la femme d’un ami. Elle organisa des retrouvailles à Siem Reap avec son père, son frère et son frère adoptif.

Une rencontre encore aujourd’hui. Moi avec ce père que je connais enfin.