« Centres sociaux, maisons de quartiers, foyers d’hébergement, … autant de lieux du vivre-ensemble mis en péril par le confinement généralisé de la population. Les professionnels qui y travaillent s’engagent aujourd’hui en faveur des personnes en situation de vulnérabilité. Formés aux pratiques de l’éducation populaire, ces animateurs socio-culturels suivent des parcours diplômant qui les sensibilisent aux thématiques sociétales actuelles.

Le GRETA M2S, organisme de formation des adultes de l’éducation nationale, a tenu à associer Fumigène à ses équipes. Sous la coordination de Yazid Sayoud, responsable de formation et militant, notre magazine participe donc depuis plusieurs mois aux parcours de ces stagiaires. 

Autour d’un projet collectif d’envergure, nous avons mené des ateliers d’éducation populaire aux médias. Objectif : Partager nos expériences et compétences avec ces futur.e.s responsables de structures pour les aider à faire face aux enjeux de l’information et accompagner les publics qu’ils côtoient. 

Tout au long de la semaine, Kader, Aminata, Estelle, Victoria, Greg, … et les autres partageront avec vous leurs récits du confinement. Un énorme big up à ces engagé.e.s de la première ligne qui consacrent leurs quotidiens aux habitants et habitantes des quartiers populaires ! »

 

Vendredi 3 Avril 2020, 6h59.

 

Comme tous les matins depuis le changement d’heure d’été, je me lève avant le réveil, déjà fatigué. Est-ce cette angoisse planante dans l’air, invisible, qui trouble mon sommeil réparateur ?  Est-ce la peur de sortir, d’aller faire des courses, de croiser du monde ?

 

La radio s’allume et déjà nous sommes au coeur du sujet. 4 Milliards d’euros de pertes dans le secteur du tourisme, 4500 morts dans les hôpitaux publics, le pic de la pandémie devrait être atteint en Île de France, le 6 Avril. Plus que 3 jours. Et après ? Edouard Philippe l’a martelé hier soir sur LCI, il faut penser à l’après ? L’après quoi ? L’après “guerre”, comme l’ensemble de la classe politique et médiatique nomment cet évènement ? Le Figaro, Le Parisien et Les Echos suivent cette voix et se demandent respectivement :  “Quels scénarios pour sortir du confinement ?”, “Confinement : les pistes pour en sortir”, “Confinement : scénarios pour l’après”. La une de Libération fait peur, “Ile-de-France, Ile de Souffrance” tandis que l’Humanité interroge “Le risque du flicage numérique” et que Closer nous dit “Il n’y a pas d’âge pour être sexy”.

 

 

Mon chien me fixe. Il sait que je suis réveillé. Il veut aller faire son tour du matin. Je me lève. 

 

Sur BFM, les trois “experts” sont unanimes : le traitement du Professeur Raoult n’est pas fiable. Pourtant, d’autres affirment qu’il s’agit d’une position politique face à une industrie pharmaceutique toute puissante. Mais les spécialistes de CNEWS confirment : il faut respecter les protocoles, on ne fait pas n’importe quoi avec la science, surtout quand on est un professeur émérite. Le gouvernement communique tous les jours. Il n’y a pas de polémiques à propos des masques, la porte-parole du gouvernement nous l’a dit, ils ne servent à rien. Mais Mediapart titre : « Masques : les preuves d’un mensonge d’état ». L’hôpital public en grève depuis un an, se réveille avec une sacrée gueule de bois. Et LCI d’en rajouter : 884 morts dans les EHPAD, deux tweets de Trump, le cours du pétrole s’enflamme, Bolsonaro refuse le confinement au Brésil pour éviter de ralentir l’activité économique, l’ONU appelle à un cessez-le-feu mondial.

 

J’attache le harnais au chien, branche mon casque, ouvre la porte et descends dans la rue. A 100 mètres de chez moi, je le libère et il s’empresse de prendre le large sur les berges du canal Saint-Denis. Il s’arrête, se retourne pour voir si je le suis, repars, heureux de pouvoir courir, libre. A droite, à gauche, il renifle à la recherche d’un message que lui seul ne comprend. « Résurrection », la Symphonie n°2 de Gustave Malher dans les oreilles, je regarde l’eau du canal qui coule, ordinairement, comme tous les jours.

 

Et si cette guerre n’était pas celle écrite par nos politiques et leurs chiens de garde médiatiques? Et si ce n’était pas cette histoire basée sur la peur, faites d’informations contradictoires et de répression ? Et si cette guerre n’était qu’un nouveau combat pour que survive une économie mondialisée, dérégulée qui asservit des populations entières ? 

Et si cette guerre était le signe d’une planète qui ne nous laisse plus faire ? Et si c’était nous les virus ?  Notre Terre est malade, elle nous avait pourtant prévenus. Des tsunamis, des inondations, de gigantesques feux de forêt. On la pleuré mais pas vraiment écouté. Alors, aujourd’hui, elle nous tape sur l’épaule et nous dit : “Tiens, c’est à toi maintenant d’être malade.”
Mais, qu’est-ce que cela va changer ?

 

Vendredi 3 Avril 2020, 7h37, une nouvelle journée de confinement commence.

 

 

GreG-G