Lyrics et Photo Nadir Dendoune & Arnaud Baur
C’est un petit bout de femme qui vous retourne du sol au plafond. A Garges, elle a monté une association au sein de son quartier, pour mettre en place des ateliers créatifs, redonner une seconde vie aux vieux meubles, et le sourire aux voisins. C’est un peu la Valérie Damidot du ghetto.
Oui, on a osé …
C’est à Saint-Denis, dans le département le plus pauvre de France, que nous retrouvons Hind. Maison de quartier Pierre Sémard où elle organise ses ateliers de décoration à destination des femmes. « J’arrive dans 5 minutes les gars… », nous fait-elle patienter au téléphone. Une demi heure après, elle est là. Mytho mais immédiatement pardonnée dans un éclat de rire ! Il faut dire que Hind Ayadi, demoiselle de 35 piges au visage poupon, a de l’énergie à revendre. Des étincelles dans les yeux et une baguette magique dans les mains, Hind est une décoratrice militante. Une militante qui brandit ses pinceaux, son talent en étendard, pour aider les jeunes, les vieux, les femmes, les moches et les beaux sans distinction, des quartiers défavorisés, grâce à son association « Espoir et Création » qu’elle a créée il y a plusieurs années avec sa pote Kady, styliste. Pour « apporter l’art, le design et la déco à tous ». « Elle est épatante cette fille, sourit Nadia, une amie. J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi douée avec ses doigts. On dirait une magicienne. » Faire d’un bout de tissu banal une robe très classe. faire d’un vieux meuble, une pièce d’antiquité ou un objet design, Hind a toujours su faire. Elle a décoré grands hôtels, restaurants ou riads marocains… Elle aurait pu, comme tant d’autres, se contenter de faire un peu plus de thune. Mais a décidé d’« offrir son temps aux plus modestes. »
Hind vit toujours à Garges-lès-Gonesse, dans le Val d’Oise, dans cette banlieue populaire au nord de Paris. Une ville où elle a grandi après que ses parents, des Marocains, débarquent en France en 1971. Une ville où elle se sent toujours bien. « Je passais tous mes mercredis avec mon grand-père qui habitait Paris et nous emmenait visiter les monuments, raconte- t-elle. Je crois que mon goût pour les belles choses m’est venue de là. » Et aussi de sa mère, couturière, qui fabrique des robes traditionnelles. Très tôt, dans l’appartement familial, elles bougent les meubles ou remplacent un rideau qu’elle trouve pas beau. A l’école, Hind savait déjà ce qu’elle voulait faire même si sa conseillère d’orientation avait convoqué ses darons parce qu’elle lui avait confié: « Je veux devenir décoratrice professionnelle. » Résultat : BEP secrétariat « dans une voie de garage ». Hind finit donc secrétaire puis vendeuse… Mais ne lâche pas l’affaire. Elle continue de retaper tous les meubles qu’elle trouve, elle peint les murs de ses amis « pour rendre l’intérieur de sa cité plus belle. » Elle rencontre alors sa poto Kady. Prend confiance. Se lance. Formation de décoratrice. Elle n’apprend « rien de plus. » « Mais, j’étais juste plus crédible grâce au certificat que j’avais obtenu. » Elle bosse. Restaurants, Hôtels… Mais ça, on l’a déjà vu. Il lui manque cependant le côté humain et n’arrive pas à oublier d’où elle vient. « En me rendant dans les foyers sociaux, je n’ai pas compris pourquoi eux, n’avaient pas le droit à un relooking. Il y a un discours ambiant qui laisse croire que les habitants des quartiers ont d’autres priorités mais dans la rue, on m’interpellait tous les jours pour me demander des conseils. » Elles créent alors leur asso. « Ici, les gens n’ont pas d’argent, mais ils ont le droit eux aussi aux belles choses », explique Hind. « C’est pour cela que j’ai décidé de me rendre utile. » Décoratrice, c’est sûr. Et militante, on vous l’avait bien dit… Et on parle même pas des t-shirts « Keep Calm & Free Gaza » qu’elle confectionne spontanément à n’en plus dormir au profit d’une association caritative alors que l’enclave palestinienne est sous le déluge de feu de l’armée israélienne durant l’été 2014. Ah oui, sinon, on a failli oublier… Sa dernière actu. La miss aux doigts de fée fut nominée dans la catégorie militante associative (ça tombe bien !) au Gala de la femme africaine (GAFA) qui a pour objet la valorisation de la femme africaine dans diverses activités. Nous, on aurait bien aimé qu’elle gagne. Mais en vrai, on s’en fout, c’est pas le principal.