Lyrics NORA HAMADI Photo NNOMAN
MHD, de son vrai nom Mohamed Sylla, est un rappeur français de 22 ans. Il a grandi dans le 19e arrondissement de Paris. Il est précurseur de « l’afro trap », un mélange de musiques aux sonorités africaines et de trap, un courant musical issu du sud des Etats-Unis. Fumigène l’a rencontré.
Et soudain, des cris. Des hurlements. Ce soir-là, à l’EMB, mythique salle de Sannois, dans le Val- d’Oise, ils sont près de cinq cents enfants, de pré- ados, et d’ados qui attendent en trépignant celui qu’ils ont découvert il y a à peine quelques mois, via la plateforme YouTube. Des dizaines de millions de vues plus tard, il est là. MHD. Mohamed Sylla. 21 ans. Le petit prince de l’Afro Trap.
« Franchement je ne m’attendais pas à ça en postant mes délires sur YouTube et Facebook. Je ne pensais pas un jour que ça prendrait cette ampleur ».
La tournée de Booba, en première partie ; celle de Black M, en Afrique, le petit prince côtoie les déjà rois, et tente de garder la tête froide : « contrairement à ce que les gens pensent, rien n’a changé. J’habite toujours chez mes parents dans mon quartier du 19è et je vis tout ce qui m’arrive, assez normalement. Booba je ne m’y attendais pas. C’est un artiste que j’écoute depuis que je suis tout jeune. Qu’il me propose d’assurer sa première partie alors que ma musique n’a rien à voir avec son univers, c’est qu’il a kiffé. »
À l’instar de Booba, depuis des mois, toute la France kiffe s’enjailler sur les rythmes de MHD. Son public ? De 7 à 77 ans, issu de zones rurales ou urbaines, des quartiers périphériques, comme de centre-ville. « Je n’ai pas encore réussi à vraiment bien cerner mon public. Mais je constate qu’il y a de tout, des enfants, des ados, des familles. C’est le côté « Champions League ». Si j’arrive à toucher tout le monde comme Stromae et son album Racine carrée que j’ai vraiment aimé, c’est cool. »
Son public : une « Champions League » ?
Une manière pour MHD de faire fi des différences entre les mondes, entre les identités, les appartenances. Une volonté de rassembler tous les territoires de Paris et de sa banlieue sous une même bannière : « ça me rend fier de venir du 19e arrondissement de Paris, de Colonel Fabien. Mais ‘Paname’, c’est aussi la banlieue. C’est pour ça que tous les départements pour moi, dans mon album sont ‘Champions League’. Il n’y a pas de banlieue ni de Paris centre, ni de périph’, on est tous pareil, il n’y a aucune différence. »
Gommer les spécificités et donner à entendre les même chose aux gamins des quartiers huppés comme des plus pauvres, un vœu que MHD est en passe de réussir, même si la réalité sociales des quartiers populaires le rattrape. « Si on voulait arranger la situation entre le centre, la banlieue et les périphérie, ce serait déjà fait. On se laisse ‘matrixer’ par les découpages entre départements, entre les quartiers, les différences qu’on crée. Paris, Paname, c’est pareil. Il n’y a pas de couleurs non plus. Et finalement, on porte tous le même maillot, celui du PSG ».
MHD, une histoire de famille
Du quartier à la scène, ils sont plusieurs amis d’enfance à partager l’aventure MHD. « Mes potes, c’est ma famille. » Une famille étendue qui a été de tous les moments : « ils étaient là pour les premiers délires sur le Net, pour l’album, maintenant la scène ». Une bande qui lui a donné l’énergie et la force d’imaginer construire une carrière alors que les premières vidéos YouTube comptaient déjà plusieurs milliers de vues. « MHD, c’est une aventure collective. À chaque showcase, à chaque concert, ils sont là, ce sont mes Backeurs. Ce sont des frères, pas juste des potes. On a tout fait ensemble : maternelle, primaire, collège, premiers boulots, vacances… Puis les vidéos, l’album, maintenant la scène. » Un esprit de famille qui appelle un esprit de clan, parfois. Depuis le début de l’ascension, au gré des millions de visionnages de ses clips sur les plateformes, il a fallu consolider les acquis quand la réussite peut attirer force convoitises, voire tracas. « La confiance est là. On n’a pas besoin de se parler, on se comprend. Il ne faut pas se confier à tout le monde, c’est la règle dans ce métier, et dans la vie.En quartiers, comme ailleurs, il y a toujours des petites histoires de confiance trahie, d’amitié gâchée. Je fais attention, j’évite de faire trop ‘ami-ami’. Je crois qu’on ne se fait pas de futurs nouveaux amis… C’est triste, mais c’est comme ça ». La confiance et la fidélité, des valeurs cardinales chez les Sylla. Un socle qu’il doit, selon lui, à sa culture africaine et qui lui a évité bien des écueils : « je n’aurais pas pu mal tourner par exemple, parce que j’étais bien entouré. Ma famille, mes frères, mes sœurs, tous me faisaient confiance, donc, il n’y a pas eu d’inquiétudes à ce niveau là. »
«FAISLEMOUV’!»
Après un BEP restauration, il fait ses classes quelques mois en tant que livreur de pizzas, après des temps de galères qu’il raconte sans ambages dans son album, sans formation, et sans emploi, tout en posant quelques rimes : « Au début j’étais parti dans le rap conscient, mais très vite, je suis retombée dans l’Afro Trap. J’ai grandi dans cette musique africaine, dans cette ambiance de fête, dans la danse… Ma double culture guinéenne et sénégalaise m’a vraiment inspiré, il fallait que ce soit festif ! »Festif, les morceaux de Mohamed le sont. Énergiques. Positifs. Contagieux. Ils distillent de la bonne humeur.
Ses grandes lunettes à la Malcolm X dissimulent à peine un regard fier. « J’aime trop l’Afrique, c’est un truc de ouf ! Je parle le diakhanké et le soussou chez moi. C’est une force. Je voudrais que mes enfants parlent ces langues, je voudrais leur transmettre les valeurs que m’ont inculquées mes parents ».
Une assise qui lui permet de voir plus loin que sa simple réussite musicale et de préparer la suite, en niant l’idée que l’Afro Trap puisse n’être qu’un simple feu de paille. « On essaye de faire en sorte de durer. C’est pour ça qu’on travaille tous les jours. Mais il faut sécuriser, alors pourquoi pas la restauration, le cinéma. Je me verrais bien jouer dans un biopic, qui raconte la vie d’une personnalité. » Sécuriser, pour mieux durer, et pour pallier les chutes, si fréquentes dans l’artistique, une question de volonté, et de persévérance.
« Je crois que ce qui nous arrive n’est pas une question de chance. Seul le travail paye, quel que soit le milieu. Je n’aurais jamais cru faire de la scène il y a encore quelques mois. Pourtant, je n’ai pas lâché, j’ai continué. »
Une trajectoire qu’il espère exemplaire pour les plus jeunes qui suivent son parcours. « Oui, je peux être un exemple pour des gamins qui me suivent. Je leur démontre qu’en faisant ce qu’on aime, on peut réussir si on s’en donne les moyens. S’ils peuvent s’identifier c’est bien »
Ce soir-là, à Sannois, MHD a partagé la scène avec Ismaël, 5 ans, fils de l’un de ses proches. Tous deux ont chanté Roger Milla, morceau en l’honneur du lion camerounais qui disputa sa dernière Coupe du monde en 1994 à l’âge de 42 ans. Un mythe. Une figure du football africain qui rythma les terrains par des danses endiablées au poteau de corner. Et ce soir-là, à l’EMB, ils étaient cinq cents spectateurs exaltés à la chanter a capella. Roger Milla. MHD. Ismaël. « Tous en place sur le Corner ». La lignée persiste. Sa Moula (l’argent, la force) a même traversé l’Atlantique et conquis les États-Unis.
Mama Africa !
MHD EN CHIFFRES • 21 ans •Né à la Roche-sur-Yon, dans le 85 (Vendée) • A débuté le rap avec le collectif 1-9 réseau dans le 19e arrondisse- ment de Paris • 8 clips • 130 millions de vues sur YouTube • Un premier album sorti le 15 avril 2016 • 15 titres • Le 13 février, son concert avec Black M à Conakry en Guinée a réuni 60 000 personnes AFRO TRAP Mélange de trap (son originaire de Chicago, aux États-Unis) et de sonorités africaines sur lesquels on rappe.