Lyrics & Photo : Alix Peyrot

 

Les Minguettes. Pour certains, c’est un quartier dit sensible de la banlieue lyonnaise et pour d’autres le point de départ d’un mouvement civique et social qui aurait pu tout changer. En 1983, la Marche pour l’égalité et contre le racisme, aka la marche des “Beurs”, est lancée aux Minguettes pour sensibiliser la France aux injustices et aux discriminations dont sont victimes les jeunes des banlieues.

Une Marche qui rassemble plus de 100 000 personnes à son arrivée à Paris. Espoir déçu : cette prise de conscience collective ne changera pas la vie des quartiers populaires.

30 ans après ce rendez-vous manqué, qu’attendent les habitants de cette campagne présidentielle, dans un contexte politique tendu et un climat social explosif ?

 

C’est jour de marché en ce samedi ensoleillé du mois de mars aux Minguettes. Destruction d’anciens bâtiments, construction de nouveaux ; partout des panneaux et des barrières signalent des travaux. La rénovation urbaine en cours est impressionnante.

« On m’a donné ça tout à l’heure! ». Alors que le tramway arrive à la station Venissy, Evelyne, 70 ans, me tend le programme de Macron et un ballon gonflable bleu barré d’un « liberté, égalité, fraternité ». Deux mois avant l’élection, les équipes de campagne s’affairent à convaincre les indécis.

« Bien sûr que je vais aller voter! Mais je ne sais pas encore pour qui ! ».

Les retraites sont gelées depuis plusieurs années, difficile dans ces conditions de s’en sortir avec 800 euros par mois. Bénéficiaire des Restos du coeur, Evelyne, femme dynamique, est remontée. « Les politiques nous promettent tous monts et merveilles et ensuite walou hein ! » dit-elle avant de disparaître au milieu des vieilles barres d’immeuble et des ensembles immobiliers flambants neufs qui se côtoient depuis peu.

Plus loin, c’est le même constat pour Fatima, 50 ans, qui revient du marché avec son petit-fils. Habitante des Minguettes depuis 46 ans, elle a vu évoluer son quartier auquel elle est très attachée : arrivée du tramway, nouveaux commerces… Une métamorphose urbaine qui aide les Minguettes à se développer mais les problèmes de fond restent les mêmes. « Ils nous promettent tous beaucoup de choses, notamment pour l’emploi des jeunes, mais rien n’est fait en réalité. » Une déception qui se traduira par son abstention en mai prochain. « Ils disent tous plus ou moins la même chose. gauche ou droite ce sera pareil. Avant j’allais toujours voter mais j’ai été trop déçue, notamment par Hollande. On verra bien qui sera le prochain. »

 

Dans le quartier beaucoup de gens ne croient plus aux politiques et ne savent pas pour qui ils vont voter non plus. « On attend tous ».

Ces jeunes pour qui Fatima aimerait que les choses bougent se sentent extérieurs au jeu politique. C’est en tout cas l’opinion de Marouane, Younes et Abdel, habitants du quartier de 18, 23 et 24 ans.

Si Younes ira voter pour faire barrage à Marine Le Pen, Marouane et Abdel eux ne se déplaceront pas. Abdel confie que s’il devait voter, ce serait un bulletin blanc qu’il glisserait dans l’urne. « Voter ne sert à rien, qui que ce soit ça ne change rien pour nous » ajoute-t-il, résigné. « Je ne suis pas déçu des politiques, puisque je n’ai jamais rien attendu d’eux.» Abdel compte plus sur les élus locaux pour faire changer les choses. « Là où il faut voter c’est aux municipales. Le maire, lui, peut faire des choses pour le quartier, mais un président il va changer quoi pour nous concrètement ? Rien. »

 

Près d’un graff du street-artist lyonnais Birdy Kids, Kodia 21 ans, porte également un regard mitigé sur les politiques. « Je n’irai pas dans le sens des gens qui disent « c’est tous des pourris » mais parfois on ne se sent pas  bien représenté. Souvent, certaines promesses de campagne ne sont pas tenues, c’est très amer pour le citoyen. » Lui aussi aurait tendance à plutôt faire confiance aux politiques de proximité : « Je reconnais qu’il y a plein de personnes qui œuvrent en politique et qui font du bon boulot, mais on ne les met pas en lumière. C’est souvent le cas à l’échelon local. »

 

Habitant des Minguettes depuis toujours et acteur associatif très actif,  il est étudiant en droit et sciences po à Lyon. Pour Kodia la question ne se pose pas, il ira voter. « Je vais aller voter c’est sûr, c’est le devoir du citoyen. C’est une chance et c’est un droit dont on dispose. »

Comme pour les autres, le choix du candidat n’est toujours pas arrêté. Il étudie les différents programmes, écoute les interventions des candidats… Il aimerait que les politiques prennent leurs responsabilités et se soucient vraiment des enjeux économiques et sociaux auxquels la France est confrontée en ce moment : « les vraies questions auxquelles les citoyens pensent tous les jours. Ce qu’on voudrait c’est au moins une personne qui aborde les vraies questions et qui nous regarde vraiment. »