Pendant une semaine, en février 2020, nous avons posé nos sacs, nos appareils photos et installé nos flashs au CSAPA (Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) Logos à Nîmes.

Une semaine pendant laquelle nous avons initié 8 usagers à la photographie, mais surtout, une semaine pendant laquelle le groupe a pu échanger, apprendre à se connaître, apprendre à se regarder, apprendre à s’apprécier.

Pendant cette semaine les membres du groupe ont posé devant les objectifs , ont shooté et ont écrit une lettre. Une lettre à …

Malgré la difficulté de l’exercice, tout le monde accepte de livrer cette lettre pour Fumigène, si puissante, si intime, si difficile à écrire soit elle. Les parcours des toutes et tous sont singuliers et méritent de s’y attarder un temps, en toute confiance.

Une lettre comme un exutoire, comme un moyen de dire les choses qu’on aurait voulu dire, comme un moyen de dire les choses qu’on n’arrive pas à dire avec la parole, tout simplement un espace d’expression.

Kery James a écrit sa Boris Vian a écrit sa Nadir Dendoune a écrit sa lettre à Sarkozy, Lettre ouverte à un fils d’immigré.

Aujourd’hui, c’est au tour de Sonia, Pim, Pulchérie, Jny, Jenna, Mohamed, Ahmed et Valerie d’écrire leurs lettres à … un enfant, une grand-mère, la Terre, des proches, ou encore à soit même. A l’issue de cette semaine, le groupe a réalisé un fanzine papier, et une immense fresque avec leurs portraits. Cette installation collée dans l’entrée du CSAPA, met au cœur du centre de soins ces belles personnes que nous avons rencontrées avec qui nous avons écrit un bout de nos histoires communes.

Avec comme adage, souvent répété par le directeur du centre, décédé il y a peu de temps : Ça va bien se passer.

Nous remercions amicalement les participant-es à ce projet et toute l’équipe du CSAPA pour leur confiance, l’hospitalité et la fraternité avec lesquelles ce projet a pu se faire. On reviendra.

NnoMan et Julien Pitinome – Collectif OEIL

(les lettres ont été mises en ligne à l’identique, pour conserver l’authenticité du propos) 

 

Lettre à Mon Fils – JNY

 

MON FILS

J’ai tant galéré, pleuré, souffert, j’ai vu l’enfer
Et ce merveilleux jour est arrivé;
Alors j’étais tellement fière
Je parle du jour où tu es né
Tu as sauvé ma vie et réveillé mon esprit
Cela m’a émerveillé

Quand tu es bordeline, il y a ces foutus vices qui te collent à la peau;
ressens – tu l’épée de Damoclès au – dessus de ta tête ?
Pourtant rien ne peut t’en empêcher,
Tu retournes toujours vers ces péchés du passé que tu as tant aimés;
ensuite t’ont rendu désespérée, seule, perdue, morte, errante telle une âme égarée.
Toute ta vie cela restera gravé au fond de toi et un jour les revoilà , pointant le bout de leurs nez, venir te narguer pour te faire à tout prix craquer.
Même si tu sais que tu cours au naufrage, parfois tu n’as plus la force, ni le courage.
Tu te rappelles ces belles années quand tu étais jeune et fougueuse et que grâce à tous ces artifices alors un long moment tu devenais la plus heureuse.

Hélas arrive l’instant où tu dégringoles et tu ne peux te relever : TU DORS !

Quand arrive l’éveil, c’est la peine, tu te hais, te culpabilises, tu déprimes, tu es malade, mais il n’existe pas de remède magique : La solution c’est TOI !Seule c’est trop dur, alors je décide de me faire aider, encadrer, motiver et peut – être enfin réussir à me soigner.

Mais reste sur tes gardes ! Le cauchemar n’est jamais bien loin, il te guette toujours et encore pour tenter de te ré-apprivoiser. Tu apprends à vivre avec, j’essaie de me respecter désormais, je ne veux plus supporter cette honte, cette vulnérabilité.

Je donnerais tout pour y arriver. Depuis que j’ai réussi malgré les effets secondaires, pour moi l’essentiel c’est de pouvoir advenir en paix avec moi – même…

Atteindre la sérénité !

JNY

 

 

Lettre à moi meme – Jenna

 

Je suis seule, en musique, en mode « étourdie de mots »

Je tilte qu’écrire une lettre sans « a » c’est coton … et têtue, je continue !

Sur cette feuille couleur neige je ne trouve évidemment rien de bien intelligent pour débuter cette lettre, et encore moins d’interlocuteur.rice.s.

Le titre «  » résonne doucement sur mon téléphone.

Je ferme les yeux et m’imprègne des mots choisis ; je frisonne (« 3D Music »)

Pis « pouf », une idée:

Cette lettre, elle est pour moi !

Pour moi, qui me bloque, qui m’empêche de vivre et me mets en difficulté.

Si cette « lettre à : sans A » me fait réaliser une chose, c’est qu’elle n’est que l’expression d’un mAnque, d’une Absence.

Si un texte sans A est possible, une vie sans Amour ne l’est pas.

 

 

Lettre au futur – Ahmed 

Je suis arrivé à Paris le 24 avril 2020, chez mon frère Niko, avec plein de rêves dans les yeux.

Pour moi Paris c’est la plus belle ville du monde. Depuis tout petit je me disais que c’est là qu’il faut être pour réaliser ses rêves.

Quatre mois sont passé depuis que je suis à Paris, je commence à me rendre compte que c’est très dur d’y vivre. A Paris, tout est cher … trouver un logement, les transports en communs … Je suis venu à Paris pour devenir le meilleur photographe de mode. J’adore la mode, les défilés, prendre les gens en photo, faire des shooting photo, et donner confiance aux gens. La photo c’est des moments de partage, de joie, les souvenirs de vacances.

 

 

Lettre à la Terre Mère et Nourricière – Pulchérie

Terre d’explorations et de découvertes

Terre de contrastes et de merveilles

Terre de fragilité, de force et de puissance

il t’a fallu des milliers, voire des milliards d’années

pour te construire et nous offrir tes beautés

en un clin d’oeil nous t’avons piétinée, foulée, blessée, alors que tu nous offrais l’équilibre

Comment t’avons-nous remercié ?

Labourée, saignée, exploitée nous t’avons mise à nu

et pourtant forte et généreuse toujours tu as pardonné

Reporter j’ai voulu devenir pour te mettre en lumière et te chérir
Combien de temps encore supporteras-tu nos exactions et notre besoin croissant de richesses et d’exploitations…
mais toujours tu as su renaître de tes cendres tel le phénix.

Alors, rebondir, espérer, croire est toujours possible.

Des lendemains meilleurs je veux qu’ils existent.

Mais moi je veux te dire que je crois en toi.

Qu’une fois encore tu nous permettras de racheter nos écarts.

Terra Matera, toujours tu resteras.

Je veux y croire car à travers ces pensées, ces rêves et ces voyages que souvent tu m’as inspirés, c’est ma mama que j’ai recherchée.

Alors oui, je veux croire que tout finit par se réaliser surtout les rêves et les miracles.

Oui je veux croire qu’ensemble nous saurons tirer parti de nos erreurs passées.

Oui, je veux croire qu’ensemble nous apprendrons et trouverons le moyen de te régénérer.

N’est-il pas dit que ton père et ta mère tu honoreras ?

Alors oui, toi, Terra Matera on te relèvera, mais pour apprendre à t’aimer cette fois.

 

 

Lettre aux animateurs photo – Mohammed

Grâce à vous j’ai pu partager avec un groupe et des animateurs formidables, pure coïncidence, grâce au théâtre. Ma participation m’a permis d’oublier mon problème de santé et aussi partager des moments pleins d’amitié. De par cet atelier, j’ai découvert l’univers de la photo traditionnelle créé par Julien «  l’Afghan Box », magnifique objet dont jamais on imaginerait faire des photos avec cet objet de base, qui semble si simple.


Ensuite, la photo numérique dont on a appris à cadrer, gérer les reflets, les angles, de simples repères qui peut-être peuvent sembler anodins alors qu’ils sont nécessaires à la bonne manipulation d’un appareil photo .
Merci à Logos et Leila d’avoir porté ce projet à terme et aussi réussi à le réaliser.
Merci aussi à l’équipe de Julien et NnoMan ainsi qu’à tous les participants avec qui on a passé de formidables moments de partage, d’apprentissage, aussi sur la vie de chacun.

J’ai pu mette une distance avec ma maladie hélas toujours très présente dans ma vie et ce combat permanent……

DONC POUR TOUT CA JE VOUS REMERCIE TOUS VRAIMENT

 

Lettre à ce cinéma, à tous ces pourris, gangrénés dans l’esprit – Sonia

À la superficialité et la facilité pour certains de te faire espérer à des projets soi-disant clairvoyants mais qui entre les lignes s’avèrent souvent saignants.Comment peut on se porter représentant alors que finalement derrière tout ça ce n’est qu’un intérêt permanent, le plus cruel qui soit, dénué de tout sentiment, de la machine embarquée tu n’es plus le vrai représentant.La misère sociale et le désarroi n’ont jamais été aussi présents, et la perversité de cette situation tourne autour de consommations et d’envies perpétuelles d’évasion et l’impossibilité de se mettre dans une situation dénuée de tout sentiment.

C’est malheureusement dans les méandres de l’argent que les valeurs et la solidarité se perdent car la perversion de ce putain de pouvoir en devient leur seul repère.

La plus belle solidarité que j’ai pu vivre et constater c’est bien dans les salles d’attente des hôpitaux et plus exactement face à la maladie, en cancéro. C’est pour moi triste à exprimer, mais hélas face à la maladie on est tous au même niveau. C’est ici que tu ressens la souffrance mais aussi tant de partage et d’empathie.

Pourtant, de leur perversion tout est bien mené pour faire en sorte de tous nous exterminer. La misère unit les gens et c’est bel et bien autour de celle-ci là que j’ai trouvé les plus belles personnes dans ma vie.Je n’ai encore jusqu’ici, ni eue envie, ni réussi à m’intégrer dans ce grand théâtre qui est la vie et pour ces raisons, jamais réussi à m’exaucer.

 

Lettre à l’enfant – Valérie

Tu sonnes et tu résonnes

comme un écho qui détonne du plus profond de qui nous sommes tu surgis

et tu étonnes

Mais quel en est le sens… serais-tu… ma seule essence?

Vidée de ma substance je ne ressens plus rien au fond de moi à part ton absence

Même en transe, je reste un trou béant

fouetté par le silence.

Maintenant, maintenant avance,

Insensé chantier, j’y arriverai

 

Lettre à ma grand-mère – PIM

 

Chère grand grand-mère, j’ai fait des erreurs, 

loin d’être parfait, j’ai voulu prendre de la 

hauteur. Ca m’a causé du tort, beaucoup de malheurs…

Et puis, j’en ai fait autour de moi.

A maman, à papa, quand tout allait bien pour moi, je me sentais comme un roi.

Aujourd’hui je suis perdu. Oui, c’est hyper dur, 

à cause de la verdure ou même de la drogue dure.

Ça fait deux mois que je ne prends plus rien, tout le monde me dit que c’est bien.

Je ne sais pas si c’est vraiment fini.

Tu sais, c’est pas si easy.

Avant tout était beau, tout était rose,

 je me posais moins de questions. 

Quand tu as confiance, tu oses.

Quand tu n’en as pas, tu t’enfermes dans ta maison.

Y avait le sport. Y avait les études.

Tout allait bien pour moi.

Aujourd’hui, je cours après les thunes, 

comme si ça pouvait me sauver de tout ça.

Quand je parle de ça, je parle de chagrin… en général.

Je me dis, qu’un de tes câlins me ferait le plus grand bien…

Mais tu n’es plus là…

 

 

[Making Off du projet]

 

 

Ca va bien se passer …

Ca va même très bien se passer car cette semaine à Logos nous avons accueilli le Collectif Oeil, une équipe de photo-reporters représenté par NnoMan Cadoret et Julien Pitinome.

Un projet dans les tuyaux du CSAPA depuis 2017 ! Içi on est plutôt du genre persévérants …

Cette idée de projet est née d’une rencontre, heureuse coïncidence que nous avons mis au profit des usagers du CSAPA.

Cette semaine nous avons travaillé la photo numérique, l’argentique, posé, mangé, nous avons ri et ri encore ! Nous avons recouvert les murs de l’entrée du centre avec nos belles gueules et découvert l’Afghan’Box, une chambre photo argentique de rue !

Cette semaine nous nous sommes rencontrés, nous avons produit et écrit .

Cette semaine nous avons crée du commun pour partager, se souvenir et transmettre.

« La rencontre de deux personnalités est comme le contact entre deux substances chimiques, s’il se produit une réaction, les deux en sont transformés » disait Carl Jung.

Ca va bien se passer…

Mais au fait, c’est quoi ce slogan ? C’est un genre de virus, une contagion positive que Jean-Paul Gonod notre Directeur a transmis à chaque personne dont il a croisé la route. L’art de voir le verre à moitié plein, afin de laisser s’infuser les envies, les motivations et les compétences de chacun afin d’en extraire le meilleur.

Et comme disait JPG «  Allé Tcho les filles, tcho les gars … et soyez braves ! ».

Lyrics Leïla – Educatrice au CSAPA – Edito du Fanzine réalisé lors de cette semaine.