Projet : Les Lucioles du Doc

Souvent invisibilisées et repoussées aux marges des villes, les personnes exilées ont rarement l’occasion de faire entendre leurs difficultés et galères quotidiennes. Celles-ci sont nombreuses : que ce soit pour joindre les deux bouts, trouver un logement d’urgence, ou simplement réussir à avoir l’Etat au bout du fil, la vie en France prend souvent des allures de parcours du combattant.

Quand elles prennent la parole, c’est avec force et conviction que leurs récits se déploient et viennent dénoncer une vision caricaturale que l’on retrouve encore trop souvent. Celle de personnes menaçantes ou dangereuses, quand ce sont bien elles qui sont mises en danger par des expulsions quotidiennes ou un accès au droit rendu impossible par les lois actuelles.

Le projet « En danger Pas dangereux » est parti de ce constat. Il a été mené par l’association Les Lucioles du Doc en partenariat avec le Cèdre, centre d’accueil de jour et d’entraide pour les personnes exilées, situé à Porte d’Aubervilliers. Pendant plusieurs mois, des bénévoles des deux structures ont organisé auprès des personnes exilées une collecte de témoignages sonores, écrits et photographiques. La seule consigne : qu’ils soient adressés, à une personne, une institution, un État, ou autre…

Une fois formulées, ces interpellations ont été écrites, mises en images ou enregistrées. Ces témoignages, parfois intimes, toujours politiques, sont multiples et dirigés vers le gouvernement, le 115, ou la famille restée au pays. Vous pouvez en retrouver certains installés dans l’espace public, et suivre le projet sur le compte Instagram @endanger.pasdangreux. Fumigène les publie en intégralité, ainsi que le texte écrit par Sacko, l’un des participants du projet, qui raconte son confinement à travers une lettre adressée à une amie.

Pour en savoir plus sur le projet, vous pouvez également aller lire ce thread :

Lettre d’un migrant pendant le confinement

Paris, le 07/05/2020

Chère Marie,

Depuis la décision du gouvernement pour le confinement général de la population à cause du covid-19, je me sens coupé du monde.

Et en tant que demandeur d’asile sans ressource, ta présence devait me soulager et me conforter. Alors que je suis sans crédit téléphonique, ni abonnement, avec mon opérateur Lycamobile, je ne peux même pas me connecter sur internet pour des nouvelles de l’extérieur.

A cet effet, je suis devenu aveugle, sourd et muet entre les murs de mon hébergement d’urgence et temporaire obtenu récemment. Tous nos petits groupes furent séparés et nos abris de fortune dans les rues ont été détruits puis ramassés.

A présent, Marie, je suis inquiet après ce confinement : que sera ma vie de sans-papier, sans domicile fixe et sans travail en France ?

Malgré les efforts humanistes du Secours Catholique pour les aides alimentaires et sociales, la peur nous anime d’être expulsés de nos maisons.

Sache que je suis de coeur avec toi malgré cette situation désespérée.

A. Sacko