Lyrics Raphäl Yem Photo Koria
C’est une des références du rap français. Aussi bien musicale que philosophique. Et philanthropique : le gars d’Orly, né de parents haïtiens en Guadeloupe, a monté son association de soutien scolaire, A.C.E.S., pour aussi aider des élèves méritants à financer leurs études. Explication de texte avec un banlieusard qui ne baisse jamais les bras.
Tu nous expliques ton association ?
Elle existe depuis 2008, c’est l’acronyme de «Apprendre, Comprendre, Entreprendre et Servir ». On fait du soutien scolaire, et aussi du financement d’études supérieures. L’éducation et le savoir sont le coeur du combat, et le cœur du problème auquel on est confronté. Je fais une tournée acoustique, où je reverse une partie de mon cachet dans chaque ville où on va aller, pour aider un jeune qui fait des études. En France, c’est inédit. Je crois que ça existe aussi aux Etats Unis. Je reçois tous les jours beaucoup de messages depuis que j’ai annoncé ce projet. Y’a vraiment des gens qui veulent poursuivre des études, et qui ne peuvent pas. Parce qu’ils n’ont pas les moyens. Alors ils sont obligés d’aller travailler, et donc, de ne pas être aux études autant qu’il le faudrait. Je ne pensais pas que c’était à ce point là… Pas mal de gens m’ont dit que s’ils avaient pu bénéficier de ce genre de bourse, ils se seraient lancés. Je pense que le projet va devenir plus important que ce que je pensais à l’origine, et je vais devoir solliciter d’autres donateurs pour que ça devienne plus conséquent.
Pourquoi l’éducation c’est si important pour toi, alors que tu n’as pas fait de longues études ?
Aller travailler, c’est pas facile tous les jours. Travailler dans quelque chose que tu n’aimes pas, c’est encore pire. Le moyen le plus sûr de ne pas subir, c’est de faire des études qui te permettent de choisir ton chemin. Il y a des exceptions : comme tu le rappelles, moi-même je ne suis pas allé aussi loin à l’école que j’aurai voulu. Dans touts les cas, ça demande du courage et du travail. On est dans une société où l’argent a beaucoup d’importance : le moyen le plus sûr d’avoir un métier qui te permet de gagner ta vie, et d’avoir une situation économique, ce qui malheureusement dans notre société, force le respect, c’est quand même les études. Pour l’accomplissement personnel, mieux tu sais où tu vas, mieux tu comprends le monde dans lequel tu vis. Souvent, les gens qui sont violents sont des gens qui ne savent pas bien s’exprimer. Alors, ils s’expriment d’une manière différente…
Quel genre d’élève tu étais ?
J’avais les capacités de poursuivre. Mais j’avais un défaut, qui est devenu une qualité dans ma carrière artistique : j’étais déterminé, et je ne faisais que ce que j’avais envie de faire. Je travaillais dans les matières qui m’intéressaient. C’est dur pour moi de faire des choses que je n’ai pas envie de faire ; humainement, je le vis très très mal. Dans mon métier, la partie promo, interview, c’est difficile. Là, c’est pas pareil ! (rires) Nos parents ont fait tous les efforts pour qu’on ait accès à l’éducation. Certaines situations font que c’est plus difficile pour certains que pour d’autres. Ma mère a élevé seule 5 enfants, et avait 2 boulots. En rentrant le soir, elle n’avait plus l’énergie de me demander si j’avais fait mes devoirs. Ces enfants doivent avoir, plus tôt que les autres, conscience qu’ils jouent leur avenir. Tous les jeunes ont envie de faire des bêtises, et après, tu en fais en fonction de ce que tu as autour de toi, de ton milieu social. Ce qui n’ont pas pu s’en rendre compte plus tôt, j’ai envie de dire qu’il n’est jamais trop tard, et qu’on peut toujours essayer d’aller vers quelque chose de meilleur. D’ailleurs, la solution ne peut pas être l’autodestruction : fumer, boire, détruire son propre quartier et la société. Il faut avoir aussi des projets. Le souci, c’est que beaucoup de jeunes n’ont plus dans l’idée d’entreprendre quelque chose, alors ils subissent. A un moment, il faut se réveiller et avoir envie de lancer un projet. Même si tu n’arrives pas au bout, il faut essayer de le mener à terme.
