Lyrics Naïma Amiri Photo Koria

Quelques gouttes n’auront pas suffi à faire disparaître l’un des meilleurs MC’s de la scène francophone. La moitié du groupe culte Ärsenik, made in Villiers-Le-Bel, vient de publier son Requiem, nouvel album solo. L’Ecole Normale Supérieure de Paris, là où les rappeurs sont « rares comme un pute à son compte» , lui a même récemment consacré une conférence, pleine à craquer. Fumigène a rencontré Monsieur Bors.

Considéré comme un des plus grands lyricistes du rap français, Lino était l’invité en mars dernier de l’Ecole Normale Supérieure, à l’occasion d’un séminaire intitulé « Le béton et la plume ». La question posée : Comment cet « obsédé textuel », « devenu poète par défaut », conçoit-il sa « sale littérature ». Il se défend pourtant de l’aspect sombre qui lui est souvent collée au cuir. Bien qu’il ait explosé le champ lexical de la guerre depuis longtemps, il dit aimer les images et les métaphores : « Il faut qu’elles soient dures, pour que l’auditeur réfléchisse. Puis c’est pas si violent car ce que je retranscris, c’est ce que je ressens, encré dans le quotidien. Ou alors, c’est qu’on a saisi la violence sociale dont je parle. »

On peut parler de l’album de la maturité, il l’assume totalement. Cette transition de l’âge adulte, entamée puis digérée, est une philosophie : « Jeune, j’étais pas à l’ouest non plus, mais aujourd’hui je suis encore plus conscient, c’est une évolution naturelle. On n’est jamais tombé dans la stupidité gratuite. On écoutait NTM, IAM, Assassin, MC Solaar, bref, des gars avec des rimes intelligentes qui mettaient les mots en avant. » « La culture Hip-Hop n’existe plus dans le Rap, elle est passée à côté. Aujourd’hui, tous le reconnaissent, c’est l’esprit business. Mélancolique de l’époque, mais comme de ses 15 ans : une époque où on pensait avoir des soucis, mais rien en comparaison à aujourd’hui. C’est l’effet que ça fait aux gens qui disent que le rap c’était mieux avant. »

D’où le son « VLB », et aussi ces jeunes invités sur le son « Narco », montrant l’évolution d’un jeune dealer qui veut s’en sortir à celui d’un quarantenaire qui se repentis. « Wolfgang », c’est la guerre, mais c’est plus profond : « c’est un appel au soulèvement des cerveaux, je milite pour. C’est vraiment ce que j’ai envie de mettre en avant et pas besoin d’être universitaire pour ça. À ceux qui disent que mes textes sont compliqués, bah prenez un dictionnaire, les frères. Je suis un autodidacte, j’ai pas fait d’études pour ça, j’ai même pas le Bac. Ceux que j’ai écouté jeune avaient beaucoup de vocabulaire. Quand je comprenais pas, je cherchais à savoir. On m’a dit que le cerveau est un muscle, faut le faire travailler. » L’incitation à la réflexion est la base de beaucoup de ses textes, plus qu’une réflexion, un objectif. La poésie, il ne la nie pas : « J’écris avec un surin, mes feuilles ne cicatrisent plus ». Des fois, il aime bien faire des « p’tits trucs poétiques comme ça », avec un gros sourire en coin, à croire que la sensibilité est quelque chose qu’il tient bien gardée, qu’il ne la réserve qu’à sa musique.

VIENS, ON S’PREND EN MAINS

La politique publique, la banlieue, il en pense quoi ? « Les politiques, y’en a plus, on est toujours dans la détresse, les communautarismes, que je dénonce toujours car c’est ma mentalité, ma génération, on a grandi comme ça. Une famille métissée, c’est naturel, pas une pub Benetton, et ce n’est pas non plus quelque chose que je vends. Ça se perd et c’est en train de se passer. Il ne faut pas attendre les politiques, c’est à nous de faire les choses. Depuis quand la dialectique Gauche – Droite existe ? Toujours. Personnellement, j’pense que c’est aux gens de faire des efforts, de s’investir car les politiques sont juste électoralistes, en chien de leur business électoral. »

Pour l’autogestion Lino ? « Vu que les politiques ne règlent rien, faut faire bouger les mentalités. Ils sont constamment à dire que les banlieues brûlent, qu’il faut éteindre le feu avant que ça crame, mais faut arrêter les conneries. Sortez les subventions ! Les quartiers sont pas gérables ? Y’a des mecs, des gaillards, et des nanas qui peuvent le faire, qui sont soucieux des « leurs », et qui en plus, en sont capables. Mais y’avait déjà rien, et ils enlèvent le peu qui reste, des bureaux de sécu à des SMJ, des trucs qui sont utiles en fait.. Y’aura des répercussions directes sur les quartiers, et les gamins. »