Tribune – Photos Maxwell Aurélien James

Leurs collages fleurissent depuis des mois sur les murs de la capitale. 

Elles crient leur rejet du patriarcat, l’impunité des auteurs de violences, l’inanité des pouvoirs publics face au fléau. Elles affichent des hommages aux femmes tuées par leurs compagnons, et des slogans en mode punchline qui imposent la question du féminisme sur la voie publique. Des lettres collées à la hâte, sur un pan de mur, à un carrefour, et souvent arrachées quelques heures plus tard.

Elles, ce sont les colleuses. Fumigène les accompagne régulièrement depuis des mois. 

Le soir du 7 mars, veille de la journée internationale des droits des femmes, elles défilaient par centaine avec d’autres militantes féministes dans les rues parisiennes et criaient « La rue est à nous ! ». 

Gaz lacrymogènes, nasses, charges, interpellations, coups… En fin de soirée, la manifestation, pourtant déclarée, a été violemment dispersée par les forces de l’ordre. Les vidéos partagées sur les réseaux sociaux cette nuit attestent de la violence de la répression. 

Alors, les « Colleuses » ont voulu prendre la parole au-delà des murs parisiens. On la leur donne.


Nous venons prendre ce qui nous est dû, nous avons fini de demander.

Mardi soir, nous sommes 15 femmxs déterminé.e.s, seaux et brosses à la main, prêtes à reprendre les rues. Nous retournons sur les lieux où nous avons été violentées et réprimées par les forces de l’ordre, la nuit du 7 au 8 Mars 2020. Durant cette marche nocturne du 7 en non- mixité nous avons chanté, dansé, scandé en choeur notre colère et nos revendications de manière pacifique. La police a violemment mis fin à ce moment qui devait permettre aux femmes et aux minorités de genre de se réapproprier l’espace public.

« Police nationale, milice patriarcale », « Police : tes violences ne nous ferons pas taire », « Matraque le patriarcat, pas nos soeurs » Voici ce que nous scandions sur les murs ce soir là. Autour des commissariats des 11ème et 12ème arrondissements, nous sommes là pour rappeler que la rue est à nous et que nous n’avons pas peur de riposter. S’ils nous ont brimées et terrorisées il y a 3 jours de cela, rien n’arrêtera notre lutte et nous continuerons à exprimer notre colère.

Alizée, Emma et Valentine ont préparé des collages forts : gouinasse, pute, salope… des insultes subies durant leur interpellation.

Des lors, devons nous comprendre que certains représentants des forces de l’ordre seraient pétris de sexisme, de lesbophobie et de putophobie ?

Notre rage légitime n’a fait que nourrir notre détermination et notre sororité, plus fortes que les violences policières. C’est ce que nous prouvons de Bastille à République en affichant ces injures dégradantes tout au long du chemin des militantes violentées .

A nouveau, l’intention a été de nous silencier : après une interpellation des policiers nous avons été forcées de décoller nos slogans. Venues dénoncer les violences policières du 7, nous voici une fois de plus victimes de leur volonté de nous faire taire ! Rappelons par ailleurs que les femmes victimes de violences sont accablées par les injonctions à aller porter plainte auprès de cette même institution. Mais cette institution est elle immunisée de la culture du viol qui prévaut dans nos sociétés ?

Mais notre voix est forte, nous sommes toujours puissantes et n’avons pas peur de continuer la lutte. Même face à la politique de terreur dictée par l’Etat et exécutée par le préfet Lallement, nous venons prendre ce qui nous est dû, nous avons fini de demander.

Nous sommes révoltées car ces violences ont visé une manifestation forte et non mixte. Néanmoins, la marche du 8 mars , mixte et moins marquante, s’est déroulée sans aucune intervention de la police. La répression est choisie : on tape quand le message est tranchant et dérangeant. Le féminisme est pluriel. Le nôtre est intersectionnel et inclue les minorités les plus opprimées. Toutes les femmes interpellées étaient blanches et ce n’est pas anecdotique. Nous utiliserons la visibilité due à notre privilège pour clamer haut et fort les oppressions subies par nos adelphes : personnes racisé.es, travailleuses et travailleurs du sexe, personnes migrant.e.s, personnes transgenres, personnes de la communauté LGBTQIA+, personnes neuroatypiques et personnes non-valides. Nous nous souviendrons de cette date et nous continuerons la lutte, malgré votre politique de la terreur et de la violence perpétuée.

« La rue est à qui ? », chantions-nous cette nuit-là, puissantes et soudées. « Elle est à nous », est notre réponse unanime. Femmxs, levons-nous.

Par Alice, Clara, Valentine, Emma et Alizée