« Centres sociaux, maisons de quartiers, foyers d’hébergement, … autant de lieux du vivre-ensemble mis en péril par le confinement généralisé de la population. Les professionnels qui y travaillent s’engagent aujourd’hui en faveur des personnes en situation de vulnérabilité. Formés aux pratiques de l’éducation populaire, ces animateurs socio-culturels suivent des parcours diplômant qui les sensibilisent aux thématiques sociétales actuelles.

Le GRETA M2S, organisme de formation des adultes de l’éducation nationale, a tenu à associer Fumigène à ses équipes. Sous la coordination de Yazid Sayoud, responsable de formation et militant, notre magazine participe donc depuis plusieurs mois aux parcours de ces stagiaires. 

Autour d’un projet collectif d’envergure, nous avons mené des ateliers d’éducation populaire aux médias. Objectif : Partager nos expériences et compétences avec ces futur.e.s responsables de structures pour les aider à faire face aux enjeux de l’information et accompagner les publics qu’ils côtoient.

Tout au long de la semaine, Kader, Aminata, Estelle, Victoria, Greg, … et les autres partageront avec vous leurs récits du confinement. Un énorme big up à ces engagé.e.s de la première ligne qui consacrent leurs quotidiens aux habitants et habitantes des quartiers populaires ! » 

 

Aminata, confinée en famille

Voilà plus de deux semaines que je suis confinée chez moi comme le reste de la France – et du monde -. Je vis dans le 92 avec ma mère, ma soeur de 16 ans et mes trois frères âgés de 25, 12, et 10 ans. 

Ma mère, qui est aide-cuisinière dans une clinique psychiatrique, continue de travailler. Elle plaisante en disant qu’elle ne pouvait pas laisser les patients mourir de faim alors elle continue d’y aller. Mais pas vraiment rassurée.

A la maison, je jongle entre ma formation, désormais à distance, et mon rôle de grande soeur. Je m’occupe des devoirs de mes petits frères et ce n’est pas toujours facile. J’ai la chance d’avoir été plutôt bonne élève à l’école – excepté en maths – et pourtant, me voilà à corriger des exercices. Le lien est maintenu grâce au numérique et, même en ayant deux ordinateurs et une tablette cela reste compliqué de tous travailler en même temps. Alors, il faut s’organiser. En plus de devoir faire abstraction des voisins. Nous vivons en HLM alors les murs y sont très fins et j’ai parfois l’impression d’être dans la même pièce qu’eux.

Le samedi, je travaille comme caissière. Je dois dépanner mes anciens collègues qui, depuis le début de l’épidémie, se font rare. Le premier jour, dès que je suis entrée dans le magasin, on m’a tendu des gants et un masque. L’ambiance y est lourde, les collègues malgré les nombreuses précautions prises, se sentent exposés. Du côté des clients, il y a ceux qui rappellent à l’ordre lorsque le  mètre de distanciation n’est pas respecté, et ceux qui viennent encore trois fois par jour, comme si rien n’avait changé.

Cette ambiance lourde est partout; comme si on retenait notre souffle en attendant la prochaine mauvaise nouvelle. Ma soeur, en classe de 1ère s’inquiète pour ses épreuves du Bac. Mon grand frère lui, s’inquiète de son avenir professionnel suite aux conséquences de l’épidémie. Quant à moi, je me demande comment je vais finir ma formation censée durer 10 mois avec, en fond sonore, les chaînes d’informations en continu que ma mère regarde au quotidien.

Le reste du temps il faut s’occuper alors on cuisine, on regarde des séries, et chose nouvelle, on joue à des jeux de sociétés. Au sein de la culture dans laquelle j’ai été élevée, s’asseoir en famille pour jouer à des jeux de sociétés, ça n’existe pas vraiment. On joue avec nos amis, à l’école, en accueil de loisirs mais pas en famille. Pourtant, depuis le début du confinement c’est devenu régulier. J’ai appris à ma mère à jouer au UNO et pour la première fois nous avons joué tous les six. Alors je me dis que le confinement, ça a aussi du bon.

A.S